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connaître les soucis du travail, quand tu peux t’en dispenser ! Pourquoi ça ? À quoi bon ?

— Je ne peux pas te répondre, mon cher papa. C’est malgré moi ; mais pourtant si cela te fâche que j’essaie, j’y renoncerai, quelque chagrin que cela puisse me causer.

— Non, non ! amuse-toi, fais ce que tu veux, rêve l’impossible, c’est le bonheur de la jeunesse. Plus tard, tu sauras que le talent ne sauve pas de la fatalité et du malheur !

— Mon Dieu ! tu es malheureux, toi ? s’écria Diane en se jetant dans ses bras. Est-ce possible ? comment, pourquoi ? Il faut me le dire. Je ne veux plus être heureuse si tu n’es pas heureux.

— Ne crains rien, répondit Flochardet en l’embrassant avec tendresse, j’ai dit cela pour t’éprouver ; je n’ai aucun chagrin, je croyais que tu ne m’aimais plus parce que… parce que j’ai négligé ton éducation et l’ai confiée à un autre. Tu as peut-être pensé que j’étais un père frivole, indifférent, mené comme un enfant…

— Non, non, mon père, je t’adore, et je n’ai jamais pensé cela. Pourquoi l’aurais-je pensé, mon Dieu !

— Parce que je l’ai quelquefois pensé moi-même. Je me suis fait certains reproches ; à présent, je me console en songeant que s’il m’arrivait quelque désastre de fortune, tu ne t’en ressentirais pas.

Diane essaya de questionner encore son père ; il détourna la conversation et se remit au travail, mais il était agité, impatient, et comme dégoûté de ce