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objets, un voyageur de confiance pour les accompagner… Vous comprenez que je ne pouvais pas faire moi-même le métier de marchand !

— Mais, dans les environs, il ne s’est trouvé personne qui eût envie de quelques tapisseries ou de quelques statues ?

— Personne. Les riches d’aujourd’hui méprisent ces antiquailles. Ils suivent la mode, et la mode est aux chinoiseries, aux rocailles, aux bergères poudrées ; on n’aime plus les nymphes et les muses. Il faut du tortillé, du riche et du surchargé. N’est-ce pas votre opinion ?

— Je ne dis jamais de mal de la mode, reprit le peintre. Je suis, par état, son aveugle et dévoué serviteur. Pourtant la mode change, et il se peut qu’on se reprenne de goût pour le vieux style du temps des Valois. Si vous avez sauvé quelques débris des ornements de votre château, gardez-les ; un temps peut venir où ils auront quelque valeur.

— Je n’ai rien sauvé, répondit le marquis. Quand je cuis venu au monde, mon père avait déjà laissé tout dépérir, par dépit et aussi par fierté. Rien ne l’eût décidé à vendre une pierre de son château, et il ne l’a quitté que quand il a failli lui tomber sur la tête. Plus humble et plus soumis à la volonté du ciel, je suis venu habiter cette petite ferme, seul bien qui me reste de nos immenses propriétés.

Diane essayait de comprendre ce qu’elle entendait et elle croyait le comprendre ; elle eut un remords de conscience. Elle tira de sa poche une poignée de ces petits cailloux de diverses couleurs qu’elle avait