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pour se promener. Il me laissait dormir tranquille, sauf que de temps en temps je l’entendais geindre avec la voix d’un bœuf qui s’ennuie au pâturage. Je lui imposais silence en le menaçant d’employer la poudre. Je savais que c’était ce qu’il détestait le plus. Alors il se taisait, et je voyais bien qu’il était vaincu et se sentait absolument en mon pouvoir.

L’hiver venu, je fis comme l’année précédente, et je gagnai davantage. J’avais déjà dix-sept ans ; j’avais grandi et pris des muscles de première qualité. Malgré mon jeune âge, je fus payé comme un homme fait. Un des messieurs qui conduisaient les travaux me remarqua, prétendit que j’étais plus intelligent, plus persévérant que tous les autres, et me prit en amitié. Il me confia dès lors en toute occasion l’ouvrage qui pouvait le mieux m’instruire, et il me fit faire un bon petit profit en me donnant place dans son logement et à sa table ; cela fit qu’au printemps je n’avais presque rien dépensé. Il s’en allait du pays et désirait m’emmener comme serviteur et compagnon, me promettant de me faire faire mon chemin dans l’emploi ; mais rien ne put me décider à abandonner ma rencluse. J’y retournai aussitôt que la neige me permit d’y poser les pieds.



V


Tout était à peu près cassé. Je n’avais plus que le travail de la brouette. Ce n’était pas le plus dur, mais