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impossibles. Je tâchais de le raisonner dans son intérêt et dans le mien, lui promettant de le laisser tranquille quand il serait où je voulais le voir. Il ne comprenait rien, ou bien il me répondait de telles grossièretés que j’étais forcé de le battre, et, sitôt battu, il s’effondrait et recommençait à dévaster ma prairie. Voyant qu’il n’y avait pas moyen de causer avec cette brute, j’y renonçai. Je le laissai faire ses lourdes extravagances, qui n’aboutissaient à rien, et bien souvent je m’endormis au bruit sourd de son pas inégal : il devenait de plus en plus boiteux. Je vis bien que le plus sage était de continuer à lui casser les pieds, et qu’il ne s’en irait que par force, en menus morceaux.

J’étais là depuis trois mois. Je devenais fort comme un jeune taureau, et j’apprenais très-vite à lire assez pour comprendre ce que je lisais. Le père Bradat qui ne comprenait pas tous les mots et toutes les idées de ses livres, était surpris de me voir les lui expliquer. C’est que mon père, en ne m’enseignant rien, m’avait appris beaucoup de choses, et il arriva bientôt que les habitants de la cabane me regardèrent comme un savant qui cachait son jeu. Ils ne me détournèrent plus de mon projet, et je résolus d’en hâter l’accomplissement par quelque dépense

Je descendis la vallée de Lesponne, et j’allai aux carrières de marbre de Campan pour embaucher des ouvriers. Je n’en trouvai point. C’était la belle saison où les étrangers occupent toute la population ; on me demandait un prix insensé. Je parvins à me procurer un peu de poudre, et je revins consolé en son-