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moi, que la chose la plus raisonnable à faire, serait de le mettre là et de l’y asseoir de la bonne manière. Il servirait de digue aux glaces d’en haut, et je ne sache pas d’endroit où il te gênera moins, car de le reporter à son ancienne place, tu n’y peux songer, et de le sortir autrement de ta rencluse, tu n’en as pas le droit.

— Comment ? répliquai-je sans me soucier de savoir qui me parlait de la sorte, je n’en ai pas le droit ? Il a donc le droit, lui, de s’emparer de mon terrain ?

— Il n’avait que le droit du plus fort, reprit la voix ; mais tu ne l’as pas, toi, car la loi est plus forte que l’homme, et si tu te débarrassais de ton ennemi pour le faire rouler chez tes voisins, tu en serais empêché ou puni.

— Et si je le poussais aux abîmes ?

— Il n’y a pas d’abîme qui ne soit la propriété de quelqu’un, et d’ailleurs, au fond de tout abîme, il y a une eau courante qui est la propriété de tout le monde, et que tu n’as pas le droit d’arrêter ou de détourner. Il faut donc que tu gardes ton géant, et puisque ce revers de montagne t’appartient, c’est là qu’il faut le porter pierre à pierre. De cette façon, il te deviendra utile au lieu de te nuire.

J’allais répondre qu’il n’était pas nécessaire de l’y porter, puisqu’il s’y était mis de lui-même, lorsqu’une clarté se fit dans mes yeux, et je reconnus que j’étais assis dans la cabane de mon vieil hôte, devant la cheminée, et que c’était lui qui causait avec moi. — Allons, dit-il, tu parles un peu comme un garçon qui rêverait tout éveillé ; cependant, quoique tu dises