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J’étais à peine endormi sous mon reste de hangar, que je fus réveillé par le géant, qui cette fois se promenait tranquillement de long en large. Avant de l’examiner, je regardai le sol, et je le vis absolument déblayé et couvert de sa belle verdure. Il faisait encore un peu jour, le couchant était encore un peu rouge, et les neiges du haut montaient toutes roses dans le ciel bleu. Je me mis à observer le monstre, dont le pas ébranlait la terre ; il ne paraissait pas faire attention à moi et je me tins coi pour surprendre ses habitudes. J’étais décidé à ne pas agir follement comme la première fois et à savoir s’il ne lui prendrait pas fantaisie de s’en aller de lui-même, puisque maintenant il avait le pouvoir de marcher. Il devait être ennuyé des coups que je lui avais donnés dans la journée.

En effet, il voulait s’en aller, et il essaya de remonter le plateau d’Yéous ; mais il s’y prenait fort mal : au lieu de faire un détour, il prétendait escalader le plus rapide du rocher et suivre la même route qu’il avait prise autrefois pour descendre. Il n’eut pas fait deux enjambées le long de l’escarpement, qu’il tomba sur ses genoux, le nez par terre, en rugissant et en criant d’une voix formidable : — Personne ne viendra donc m’aider à remonter chez moi ? — En deux sauts, je fus près de lui, et, saisissant son épouvantable main accrochée à une pointe de rocher : — Voyons, lui dis-je, tu sais bien que je suis ton maître ; obéis-moi, prends un autre chemin, et va-t’en !

— Eh bien ! relève-moi, répondit-il, prends-moi sur tes épaules et porte-moi là-haut.