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petit lac d’Ouscouaou, je me laissai emporter par la tentation d’explorer la crête rocheuse au revers de laquelle je devais trouver un autre lac et un autre torrent, le lac et le torrent d’Isaby et par conséquent les sentiers qui redescendent vers Villongue et Pierrefitte. Pensant que j’aurais toujours le temps de reprendre cette direction, je pris sur ma droite et m’enfonçai dans une coulisse resserrée que côtoyait, en s’élevant, un sentier de plus en plus escarpé.

C’est là que je me trouvai en face d’un beau montagnard, très-proprement vêtu de laine brune, avec la ceinture rouge autour du corps, le béret blanc sur la tête et les espadrilles de chanvre aux pieds. Comme nous ne pouvions nous croiser sur ce sentier sans que l’un de nous s’effaçât, le dos un peu serré à la muraille de roches, je pris position pour laisser passer cet homme, qui paraissait plus pressé que moi ; mais, tout en soulevant son bonnet d’un air poli, il s’arrêta au lieu de passer et me regarda avec une attention singulière. Je l’examinais aussi, croyant bien ne pas rencontrer son regard pour la première fois, mais ne pouvant me rappeler où et quand j’avais pu remarquer sa figure.

— Ah ! s’écria-t-il tout à coup d’un ton joyeux, c’est vous ! je vous reconnais bien ; mais vous ne pouvez pas vous rappeler… Pardon ! je passe devant ; inutile de nous croiser, à deux pas d’ici le chemin est plus commode ; je veux vous demander de vos nouvelles. Je suis content, bien content de vous retrouver !