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Le baron jugea que Clopinet était jusqu’à un certain point dans le vrai, mais qu’il avait l’imagination malade et qu’il fallait le laisser se distraire par le mouvement des voyages. Il s’occupa avec lui de tout ce qui pouvait lui faciliter une traversée, et, l’ayant bien muni d’argent, d’effets et d’instruments, il l’embarqua sur un de ces gros bateaux qui, deux ou trois fois par an, font encore le voyage de Dives à Honfleur. Là, Clopinet s’embarqua lui-même pour l’Angleterre, d’où il passa en Écosse, en Irlande et dans les autres îles environnantes. Libre et heureux dans les sites les plus sauvages, étudiant tout et se rendant compte de toutes choses par lui-même, il songea au retour et revint au bout d’un an, rapportant au baron un trésor d’observations nouvelles qui contredisaient souvent les affirmations des naturalistes, mais n’en étaient pas moins aussi vraies qu’ingénieuses.

L’année suivante, après avoir passé quelques semaines dans sa famille et chez ses amis, Clopinet s’en alla en Suisse, en Allemagne et jusque dans les provinces polonaises, russes et turques. Plus tard, il visita le nord de la Russie et une partie de l’Asie, achetant partout les oiseaux que les gens du pays tuaient à la chasse, et les momifiant pour les envoyer au baron, dont la collection devint une des plus belles de France ; mais Clopinet se tint à lui-même la parole qu’il s’était donnée de ne rien tuer et de ne rien faire tuer pour son service. C’était sa manie, et la science y perdit peut-être quelques échantillons précieux qu’avec moins de scrupule il eût pu