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jamais guéri de la fantaisie de surprendre les oiseaux de mer et d’escalader les falaises.

Clopinet fut triste en continuant sa route. Il avait aimé cet ermitage comme on aime une personne. Les privations qu’il y avait subies, les dangers qu’il y avait bravés, les rêves agréables ou effrayants qu’il y avait eus se représentaient à lui comme des liens de cœur qu’un désastre inévitable et longtemps prévu venait de rompre sans retour. Dame nature, pensa-t-il, n’est pas toujours une hôtesse bien commode, elle a des lois très-rudes qu’on prendrait pour des caprices, si on ne les comprenait pas. Il faut l’aimer quand même, car ce qu’elle vous ôte quelque part, elle vous le rend ailleurs, et je retrouverai bien quelque jour un trou où je pourrai vivre encore tête à tête avec elle.

Clopinet fit l’école buissonnière le long de la plage. C’était son dernier jour de congé, et il n’arriva à Dives que le soir, afin qu’on ne vît pas son chargement d’oiseaux. Il le porta mystérieusement au presbytère en priant le curé de ne pas dire au baron d’où lui venait cette richesse. — Je m’en garderai bien ! s’écria le curé enchanté. Il n’aurait pas de repos qu’il ne m’eût arraché toutes ces charmantes bêtes vivantes pour en faire des momies. Il ne les verra pas, sois tranquille !

Clopinet laissa le curé et sa servante se démener bien avant dans la soirée pour bien loger leurs nouveaux hôtes, et il alla porter les plantes à l’apothicaire ; enfin il s’en retourna coucher, le cœur gros, au manoir de Platecôte.