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Il avait dans la tête un type très-joli qu’il reproduisait sans cesse en le modifiant très-peu ; il ne s’attachait qu’à rendre fidèlement le vêtement et la coiffure de ses modèles. L’exactitude de ces détails constituait, toute la personnalité des figures. Il excellait à imiter la nuance d’une robe, le mouvement d’une boucle de cheveux, la légèreté d’un ruban, et il y avait tel de ses portraits qu’on reconnaissait tout de suite à la ressemblance du coussin ou du perroquet placé à côté du modèle. Il n’était pas sans talent. Il en avait même beaucoup dans son genre ; mais de l’originalité, du génie, le sentiment de la vie vraie, voilà des choses qu’il ne fallait pas lui demander ; aussi avait-il un succès incontesté, et la bourgeoisie élégante le préférait à un grand maître qui aurait eu l’impertinence de reproduire une verrue ou d’accuser une ride.

Après deux ans de mariage, il avait épousé en secondes noces une jeune personne, pauvre, mais de bonne famille, et qui le considérait comme le plus grand artiste de l’univers. Elle n’était point naturellement sotte, mais elle était si jolie, si jolie, qu’elle n’avait jamais trouvé le temps de réfléchir et de s’instruire. Aussi avait-elle reculé devant la tâche d’élever elle-même la fille de son mari. C’est pourquoi elle la lui avait fait mettre au couvent, avec l’idée qu’étant fille unique elle se plairait mieux avec de petites compagnes que seule de son âge au logis. Elle n’eût pas su jouer avec Diane et l’amuser elle-même, ou si elle l’eût su, elle n’en eût pas trouvé le temps. Il lui en fallait beaucoup pour s’habiller dix