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La tempête en avait amené qu’il n’avait pas encore vus de près, des spatules, des cormorans et des blongios. Le soir, sa grotte en était remplie, il dut leur donner tout le reste de son pain et se coucher à jeun.

Le lendemain au matin, il courut déjeuner à Auberville, le village où il s’était approvisionné autrefois, et il en rapporta de quoi pourvoir aux besoins de son infirmerie. Il y eut dans la journée des décès et des guérisons. Il alla encore recueillir des estropiés sur les hauteurs et il put voir les individus libres et bien portants guetter son passage pour recueillir les miettes qu’il laissait derrière lui. Quelque jours suffirent pour les rendre familiers comme autrefois. Clopinet crut reconnaître dans ceux qui s’apprivoisèrent le plus vite les mêmes qui avaient été déjà apprivoisés par lui.

Mais il remarqua toujours une grande différence de caractère entre les oiseaux qui, tout en s’habituant à l’approcher, restèrent indépendants et ceux que des blessures ou l’évanouissement produit par la foudre avaient mis sous sa dépendance. Ces derniers devinrent confiants avec lui jusqu’à l’importunité. La privation du vol ou de la marche rapide développa en eux un sentiment d’égoïsme et de gourmandise insatiable, tandis que les premiers restaient actifs et fiers. Clopinet se prit de préférence pour ceux-ci, et, bien qu’il soignât davantage ceux qui avaient plus besoin de lui, il ne pouvait s’empêcher de mépriser un peu leur abnégation facile.

Pourtant la pitié le retenait auprès d’eux, il espé-