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respect qu’on doit à M. de Buffon, dont il lisait avec ardeur le magnifique ouvrage ; mais il avait l’esprit fait de telle sorte que rien ne le tentait dans le monde, hormis les choses de la nature. Il ne se souciait ni d’argent, ni de renommée ; il continuait à ne rêver que voyages, découvertes et observations faites par lui-même et tout seul.

Aussi pensait-il sans cesse à son ermitage de la grande falaise, et plus il faisait connaissance avec le bien-être de la vie de château, plus il regrettait son lit de rochers, ses fleurs sauvages, le chant des libres oiseaux et surtout l’amitié qu’il avait su leur inspirer. Le souvenir de cette intimité bizarre lui serrait parfois le cœur. — Où sont à présent, se disait-il, tous ces pauvres petits compagnons de ma solitude ? où sont mes barges, qui contrefaisaient si bien le bêlement des chèvres et l’aboiement des chiens ? Où est le grand butor solitaire qui mugissait comme un taureau ? Où sont les jolis vanneaux espiègles qui me criaient aux oreilles, en empruntant la voix du tailleur, dix-huit, dix-huit ? Où sont les courlis dont les douces voix d’enfant m’appelaient dans les nuits sombres, et me faisaient pousser des ailes enchantées, des ailes de courage ?

On voit que Clopinet ne croyait plus aux esprits de la nuit. Il n’en était pas plus content pour cela ; il regrettait le temps où il avait cru distinguer les paroles de ses petits amis du ciel noir et du vent d’orage. Le milieu où il se trouvait transplanté ne le portait point au merveilleux. À ce moment-là, tout le monde se piquait d’être philosophe, même le curé,