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tu t’es sauvé de chez nous pendant la nuit, il y a bientôt… six mois… je pense…

— Oui, mon oncle, j’ai compté les lunes.

— Eh bien ! j’ai été inquiet de toi et je t’ai cherché autant que j’ai pu ; mais, une douzaine de jours après, le tailleur a repassé par ici, disant qu’il t’avait vu en bonne santé auprès de Villers et qu’il n’avait pas voulu te contraindre à le suivre, pensant que ta famille t’avait repris et t’envoyait là en commission. Alors je ne me suis plus tourmenté à ton sujet, et, ma pauvre femme étant tombée malade, je n’ai plus quitté le pays que pour aller à la mer quand il le fallait, de sorte que je n’ai rien su de ta famille. Bien sûr, elle te croit embarqué, puisqu’il était convenu avec ton frère François que tu le serais et qu’il aura dit comme cela, le croyant aussi pour son compte. À présent je pense que tu peux aller chez toi sans crainte d’être recédé au tailleur. Je ne sais pas ce que tu lui auras dit quand tu l’as rencontré ; il a juré qu’il aimerait mieux prendre le diable en apprentissage qu’un gars aussi bizarre et aussi revêche que toi. J’ai pensé que tu lui avais montré les dents, et je ne t’en ai pas blâmé.

— Je lui ai montré mon bâton, reprit Clopinet ; vous l’aviez prédit, mon oncle, il m’a poussé des ailes de courage. — Et là-dessus il raconta toute son histoire et fit voir ses cent écus au marin émerveillé.

— Eh bien ! s’écria l’oncle Laquille, voilà que tu es riche, et tu peux faire de ta vie ce que tu voudras. Du moment que tu peux te rendre utile, personne