Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/265

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui se tenait sur une grosse pierre au bord du chemin, toujours en position pour défendre son trésor et sa liberté. Aussitôt qu’il eut dit ces mots, il vit Tire-à-gauche pâlir et trembler, car ce bossu croyait aux esprits plus que personne : — Voyons, petit, reprit-il, tu es bien méchant ! Dis-moi où nichent les roupeaux qui te donnent de pareilles aigrettes, je ne te demande pas autre chose.

— Ils nichent, répondit Clopinet, dans un endroit où les oiseaux et les esprits peuvent seuls monter. C’est vous dire que je ne vous crains pas et que, si vous tentez encore quelque chose contre moi, je vous y porterai comme un roupeau y porte un crabe et vous ferai rouler au fond de la mer.

Clopinet parlait ainsi, poussé par je ne sais quel vertige de colère et de fierté. Le tailleur crut tout de bon qu’il s’était donné aux lutins, et, tournant les talons, marmottant je ne sais quelles paroles, il reprit le chemin de Villers à toutes jambes. Clopinet, émerveillé de sa victoire, rentra dans le travers de la dune, ramassa ses pains et les porta lestement dans sa grotte.

Là, il se parla tout haut à lui-même, car il avait absolument besoin de parler : — C’est fini, dit-il ; je n’aurai plus peur de rien et personne ne m’emmènera jamais où je ne voudrai pas aller. Me voilà délivré, et si c’est l’esprit de la mer qui m’a donné du courage, je ne veux plus jamais perdre ce qu’il m’a donné. À présent, se dit-il encore, je chercherai d’autres plumes de cet oiseau merveilleux dont l’aigrette, je ne sais pourquoi, fait tant d’envie au