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sentit rien, et se souvint que madame Laquiile l’avait retirée pour grimper à son grenier, qui était en face, à l’autre bout de la chambre. Clopinet souleva une petite loque qui servait de rideau à sa lucarne et vit qu’il faisait une nuit claire. Il put s’assurer ainsi que l’échelle était hors de portée et qu’il n’était pas possible de sauter de si haut dans la chambre sans se casser le cou.

Chose singulière, il ne pensa point à ses ailes. Son frère s’étant moqué de lui à ce sujet, il n’avait osé en reparler à personne et il se disait qu’il les avait peut-être rêvées. Pourtant il fallait partir et ne pas attendre le jour. Il ouvrit la lucarne et s’assura que son corps pouvait y passer ; mais, en mettant la tête dehors, il vit que c’était beaucoup trop haut pour sauter. La mer était encore loin. Il avait remarqué, la veille au soir, que la marée venait battre les pieux qui soutenaient la maison ; mais quand reviendrait-elle ? On lui avait dit : une fois toutes les vingt-trois heures ; Clopinet ne savait pas assez compter pour faire son calcul.

— Pourtant si la mer venait me chercher, se disait-il, je sauterais bien dedans ; je n’ai pas peur d’elle, elle est bonne pour moi.

Il y avait longtemps qu’il songeait ainsi, toujours tenant son paquet, tantôt dormant malgré lui, tantôt rêvant qu’il était sur la barque de son oncle, quand un coup de vent ouvrit la lucarne qu’il avait mal refermée. Il s’éveilla tout à fait et entendit passer les voix enfantines des petits esprits de la nuit. Il comprenait cette fois leur chanson. — Viens, viens, di-