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— Non, je les ai entendus. Enfin me voilà, et même j’ai bien dormi tout au beau milieu de l’eau.

— Alors tu peux dire que tu as eu une fière chance ! Je sais bien que cette Grosse-Vache-là, étant la plus haute, est la seule que la marée ne couvre pas tout à fait quand la mer est tranquille ; mais s’il était venu le moindre coup de vent, elle eût monté par-dessus, et c’était fini de toi, mon pauvre petit.

— Bah ! bah ! je sais très-bien nager, plonger, voler au-dessus des vagues, c’est très-amusant.

— Allons ! allons ! tu me dis des bêtises. Tes habits ne sont pas mouillés. Tu as eu peur, tu as eu faim et froid ; pourtant tu n’as pas l’air malade. Mange le pain que je t’apporte, et bois un bon coup de cidre que j’ai là dans ma gourde, et puis tu me raconteras raisonnablement comment tu as quitté ce chien de tailleur, car je vois bien que tu t’es sauvé de ses griffes.

Clopinet raconta tout ce qui s’était passé. — Eh bien ! répondit François, j’aime autant qu’il n’ait pas eu le temps de te faire souffrir, car c’est un méchant homme, et je sais qu’il a fait mourir des apprentis à force de les maltraiter et de les priver de nourriture. Notre père ne veut pas croire ce que je lui dis, et il a persuadé à notre mère que j’en voulais à cet homme-là et ne disais point la vérité. Tu sais qu’elle craint beaucoup le père et veut tout ce qu’il veut. Elle a beaucoup pleuré hier et n’a pas soupé ; mais ce matin elle l’a écouté, et tous deux s’imaginent que ton chagrin est passé comme le leur, que tu es déjà habitué à ton patron. Il n’y a pas moyen de leur