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un grand tort de négliger l’occasion de s’instruire elle hésita. Le jour d’après, Sylvaine lui dit : — Nous ne sommes pas riches. Ta grande sœur a déjà trois enfants et le frère aîné en a cinq ; moi, veuve, je crains pour mes vieux jours. Si tu étais riche et savante, tu sauverais toute ta famille. Reste ici ; la tante Colette t’aime beaucoup, tes petits défauts ne la choquent pas, et je la vois disposée à te gâter. L’endroit te plaît, je reviendrai te chercher dans trois mois, et si tu veux revenir avec moi au pays, nous reviendrons. Si c’est le contraire, tu resteras, et qui sait si la tante ne te donnera pas un jour tout ce qu’elle possède ?

Catherine pleura encore à l’idée de quitter sa mère. — Reste avec moi, lui dit-elle, je te jure que j’apprendrai à carder et à filer dans la perfection.

Mais Sylvaine avait déjà le mal du pays. — Si je restais ici, dit-elle, j’y mourrais ou j’y deviendrais folle. Vois si tu veux cela ! Et d’un autre côté vois si, pouvant nous enrichir, tu crois devoir t’y refuser.

Catherine s’en alla coucher en sanglotant, mais en promettant à sa mère de faire ce qu’elle lui dirait de faire.

Le lendemain, Renée ne l’éveilla pas et elle dormit jusqu’à neuf heures du matin. Alors elle vit auprès de son lit la tante Colette qui lui dit en l’embrassant : — Ma petite Catherine, tu vas être courageuse et raisonnable ! Ta mère est partie de grand matin ; elle t’a embrassée de tout son cœur pendant que tu dormais et m’a chargée de te dire qu’elle re-