Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/185

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bien vivre, et deux fois par semaine elle envoyait au village chercher la viande ou le pain ; en un mot, elle était riche, très-riche pour une paysanne, et la Sylvaine, qui ne s’était point doutée de cela, car elle était venue pour l’assister si besoin était, ouvrait de grands yeux et se sentait intimidée comme devant une dame fort au-dessus d’elle. Catherine était un peu confuse aussi, non pas d’être plus ou moins pauvre que sa grand’tante, mais de voir que celle-ci lui était supérieure par l’éducation. Pourtant, en la trouvant bonne et aimable, elle se tranquillisa et sentit même pour elle une amitié comme si elle l’eût toujours connue.

Alors, dès le premier jour, elle se mit à la questionner sans façon et apprit qu’elle avait été femme de confiance d’une vieille dame qu’elle avait soignée jusqu’à sa mort et qui lui avait laissé de quoi vivre. — Mais elle n’était pas bien riche, ma vieille dame, ajouta la tante Colette, et ce n’est pas avec ce qu’elle a pu me donner que je me suis procuré les aises que vous voyez chez moi. C’est avec mon travail et mon industrie.

— C’est avec le beau bétail que vous savez élever ? dit Sylvaine.

— Mon bétail entretient mes affaires, répondit Colette ; mais avec quoi ai-je acheté de la terre pour le loger et le nourrir ? le devineras-tu, petite Catherine ?

— Non, ma tante, je ne le devine point.

— Sais-tu filer, mon enfant ?

— Oh ! certainement, ma tante ; si à mon âge je ne savais pas filer, je serais bien sotte.