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son fuseau. Il lui semblait que son nuage grossissait et changeait de couleur. Elle ne se trompait pas, il devenait bleu, et puis il devint couleur d’ardoise, et puis il devint noir, et petit à petit s’étendit jusqu’à ce qu’il eût rempli tout un côté du ciel. Tout devint sombre et triste, et le tonnerre commença enfin à gronder.

Catherine fut contente d’abord de voir son petit nuage devenir si gros, si grand et si fort. — À la bonne heure ! dit-elle, je vois bien que ce n’est pas un nuage comme les autres. Le soleil n’a pas pu le boire, et mêmement on dirait que c’est lui qui va manger le soleil. Et dire que j’ai tenu ce matin un pareil nuage dans mon tablier ! — Elle en était toute fière ; mais les éclairs sortirent du plus épais de ce terrible nuage ; elle eut peur, et se dépêcha de ramener ses brebis.

— J’étais en peine de toi, lui dit sa mère, voilà un drôle de temps. Je n’ai jamais vu pareil orage se faire si vite et s’annoncer si mauvais dans la saison où nous voilà.

L’orage fut terrible en effet, La grêle brisa les vitres de la maison ; le vent emporta les tuiles du toit, la foudre tomba sur le gros pommier du jardin. Catherine n’était guère brave, elle eût voulu se cacher sous le lit, et elle ne pouvait s’empêcher de dire tout haut : — Méchant nuage rose, si j’avais connu ta malice, je ne l’aurais pas mis dans mon tablier ! — Sylvaine recommençait à la gronder, mais l’enfant ne pouvait plus se retenir de parler. — Hélas ! ma petite est folle ! disait Sylvaine à ses