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IV


— Signe de grande tempête, mon enfant. Quand on voit cela en mer, on dit : Il va y avoir de l’ouvrage, et du dur ! Ça n’a l’air de rien du tout ; c’est quelquefois gros et blanc comme un petit mouton ; on s’imaginerait qu’on va le mettre sous son bras. Et puis ça grossit, ça noircit, ça s’étend sur tout le ciel, et alors va te promener ! les éclairs, le tonnerre, les coups de vent et toute la boutique du diable ! On se démène pour n’être pas désemparé, et on en réchappe, si on peut !

— Ah ! mon Dieu, dit Catherine tout effrayée, est-ce que mon nuage rose va devenir méchant comme ça ?

— Dans nos pays et dans la saison où nous sommes, les grains sont bien rares, et, à mon avis, il n’y a point de vrais dangers sur terre ; c’est égal pourtant, il est drôle, ton nuage rose !

— Pourquoi drôle, père Bataille ?

— Dame ! reprit le vieux marin, je lui trouve une drôle de mine, et j’aime autant me dépêcher de faire mon ouvrage avant le soir. J’ai encore trois charges de branchée à rentrer.

Il repartit, et Catherine essaya de se remettre à filer ; mais elle regardait toujours en haut, et ce n’était pas le moyen d’avancer sa tâche et d’arrondir