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retirèrent, tout tremblants de peur, sous la feuillée. Un grand épervier passait dans le ciel et volait en rond juste au-dessous du nuage rose. — Ah ! se dit encore Catherine, ils ont beau se moquer et m’appeler curieuse, je voudrais être sur le dos de ce grand oiseau de proie. Je reverrais de plus près mon nuage rose, et peut-être que je pourrais voler jusqu’à lui, — Elle s’éveilla tout à fait et se rappela qu’il ne fallait pas dire de sottises, et pour cela ne pas penser à des choses folles. Elle prit sa quenouille et fila de son mieux en tâchant de ne penser à rien ; mais, malgré elle, à tout instant elle relevait la tête et regardait le ciel. L’épervier n’y était plus, mais le nuage rose y était toujours.

— Qu’est-ce que tu regardes donc là-haut à toute minute, petite Catherine ? lui dit un homme qui passait sur la traquette du pré.

C’était le père Bataille, qui venait d’abattre un arbre mort dans le pré voisin et qui rapportait la branchée sur ses épaules. Il y en avait lourd, et il s’appuyait contre un saule pour se reposer un moment.

— Je regarde le nuage là-haut, lui répondit Catherine, et je voudrais savoir de vous, qui avez voyagé et qui êtes savant, pourquoi il est tout seul et ne bouge point.

— Ah ça ! ma fille, répondit le vieux, c’est ce que, du temps que je voyageais sur la mer dans un vaisseau, j’aurais appelé un grain, et pour moi ç’aurait été mauvais signe.

— Signe de quoi, père Bataille ?