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pignon noir comme de l’encre qui, au souffle de la brise, tombait en poussière.

Elle se retrouva dans sa chambre, assise sur une chaise et les yeux éblouis par le soleil levant. Son premier mouvement fut de courir à son miroir, et pour la première fois de sa vie elle se trouva très-jolie, car elle avait sa figure ordinaire, seulement un peu fatiguée.

— Tout cela serait-il un rêve ? se dit-elle. Pourtant voici les bijoux anciens que ma grand’mère gardait précieusement. D’où vient que j’en suis parée ? Aurais-je été les chercher en rêvant ?

Elle les détacha, les remit dans le coffret, et les reporta chez madame Yolande avant qu’elle fût éveillée ; puis elle descendit à la douve pour voir si Névé était dans sa cabane, comme elle l’y avait retrouvé une fois après l’avoir cru perdu.

— Vous cherchez le cygne ? lui dit le jardinier. Il est parti. Je l’ai vu s’envoler au lever du jour. Il a été rejoindre une bande de cygnes sauvages qui passait. J’avais bien dit à mademoiselle qu’il fallait lui casser le bout d’une aile, mademoiselle n’a pas voulu. Il en a profité pour se sauver ; il y a longtemps que c’était son idée.

— Eh bien ! tant mieux, dit Marguerite, car le voilà heureux et libre ; mais, puisque vous l’avez vu partir, n’avez-vous vu rien de plus dans la douve en y entrant ? N’y avait-il pas ici de grands roseaux ?

— Des roseaux ? sans doute, il en reste toujours quelques-uns qui veulent repousser autour des bassins ; mais ceux-là étaient encore tout petits, et je