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ordinaire : l’infortunée Coax, étendue sur le rivage, les pattes en l’air, le corps inerte et raidi par la mort. Elle avait une affreuse tête humaine avec de longs cheveux verts comme des algues ; le reste de son corps, grand comme celui d’une personne ordinaire, était d’un blanc mat et rugueux, et conservait les formes de la grenouille. Près d’elle, le prince Rolando, revêtu d’une armure d’argent avec un baudrier d’or, le casque orné d’un cimier blanc comme neige et portant aux épaules ses grandes ailes de cygne, détachait les bijoux enchantés dont Ranaïde s’était ornée en vain.

— Approche, dit-il à Marguerite, et mets vite ces joyaux qui te rendront ta figure première ; mais n’essaie pas de devenir belle par la puissance des enchantements. Reste intelligente et bonne, et n’appartiens qu’à celui qui t’aimera telle que tu es. Adieu, la mort de cette criminelle magicienne me délivre à jamais de la servitude à laquelle j’étais condamné depuis deux siècles. Ne plains pas son sort ; elle t’avait menti, elle voulait me faire mourir pour cacher ses secrets maudits, et les esprits qu’elle invoquait contre moi ont pris ma défense. Je retourne avec eux, mais je veillerai sur toi, si tu restes toujours digne de ma protection.

Il déploya ses ailes et s’éleva dans le rayon de soleil. Marguerite, en le voyant planer dans les airs, crut reconnaître Névé avec son collier d’or, puis il lui sembla que c’était l’étoile du matin. Lorsqu’elle l’eut perdu de vue, elle chercha le cadavre de la grenouille, et ne vit à la place qu’un hideux cham-