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de moi d’agir autrement. Un serment que rien ne peut effacer et qu’il est impossible d’enfreindre oblige ceux qui reçoivent des dons magiques à faire périr quiconque vient à les découvrir. Mon mari était condamné, du jour où il verrait ma patte, à être emporté dans l’abîme par les esprits, mes seigneurs et mes maîtres.

» Je résolus de le soustraire à leur puissance en le faisant disparaître avant qu’il eût rien découvert, et à cet effet je mêlai à son vin une drogue qui lui fit aussitôt pousser des plumes blanches et de grandes ailes ; en moins d’un quart d’heure, il devint un beau cygne blanc comme neige, qui ne pouvait redevenir homme, mais qui pendant deux cents ans échappait à la mort et à la puissance des génies.

» Apprends que ces deux cents ans seront révolus cette nuit au lever de l’aurore, et qu’il dépend de toi que je retrouve ma jeunesse, ma beauté et mon rang d’être humain dans la création.

— Soit ! dit Marguerite, car sans doute vous pourrez alors rendre à Névé, au prince Rolando, je veux dire, le même service que je vous aurai rendu ?

— Sans aucun doute, répondit Ranaïde, c’est le plus cher de mes vœux.

— En ce cas, je suis prête, dites-moi vite ce qu’il faut faire.

— Pour le comprendre, il faut que tu saches le reste de mon histoire. À peine le prince Rolando se vit-il changé en oiseau, qu’il entra contre moi dans une colère effroyable et voulut me tuer. Avait-il