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Elle était en train d’excuser tout, elle l’excusa et le mena dans la campagne, où elle lui montra les beaux grands arbres qui entouraient la garenne. — Et combien valent-ils ? lui demanda M. de Puypercé.

— Vraiment je ne sais, répondit Marguerite ; ils ne sont point à vendre.

— Mais quand ils seront à vous ? Votre grand’mère m’a dit ce matin qu’elle comptait vous donner, après sa mort, tout ce qu’elle possède dans ce pays-ci.

— Elle ne m’a jamais parlé de cela, et je vous prie, Mélidor, de ne pas me parler de la mort de ma grand’mère.

— Il faudra bien pourtant vous y résoudre ; la voilà très-vieille, et elle désire vous marier auparavant.

— Je ne veux point me marier ! s’écria Marguerite ; je ne veux pas risquer d’être obligée de quitter ma bonne-maman, qui m’a élevée et qui est ce que j’aime le mieux au monde.

— C’est très-gentil de penser comme cela, mais ma tante Yolande mourra bientôt, et vous ne serez pas fâchée de trouver un beau mari qui vous fera riche en vendant tous ces champs, tous ces prés et ce vilain vieux château où vous êtes comme enterrée vivante. Alors, ma chère Marguerite, vous porterez des habits magnifiques, à la dernière mode ; vous irez à la cour, vous aurez un beau carrosse, de grands laquais, des diamants, une loge à l’Opéra, un hôtel à Paris, enfin tout ce qui peut rendre une femme heureuse.