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tout à fait le cidre du pays, qui était délicieux, et ne se gêna point pour demander du vin de Champagne que sa grand’tante lui fit servir, qu’il déclara fort plat, et dont il but toutefois plus qu’il n’était nécessaire pour déraisonner.

Alors madame Yolande s’aperçut de son mauvais ton et lui dit : — Mon cher enfant, allez vous coucher. Demain vous saurez peut-être ce que vous dites. J’aime à croire qu’on vous a enseigné la politesse, et que, quand vous êtes dans votre bon sens, vous ne dépréciez pas ainsi d’une façon impertinente les choses qui vous sont offertes de bon cœur.

Marguerite fut contente de la leçon qu’il recevait et s’endormit sans songer à lui. Pourtant, comme il y a toujours un peu de vanité au fond du cœur le plus raisonnable, quand elle s’habilla le lendemain, elle reprocha à sa fille de chambre de lui apporter toujours ses plus vilaines robes ; elle en avait dans son armoire d’assez belles qu’elle ne mettait jamais.

La fille de chambre lui présenta alors une robe de soie jaune très-riche que madame Yolande lui avait donnée, et qui était toute rehaussée de rubans couleur de feu. Madame Yolande n’était ni pauvre ni avare, mais elle vivait depuis si longtemps à la campagne qu’elle ne connaissait plus rien à la toilette, et, comme Marguerite n’avait point coutume de s’en soucier : préférant les jupes courtes et les étoffes solides pour courir et jardiner, la pauvre enfant, quand on la forçait à se faire belle, avait l’air d’une petite vieille endimanchée. C’était une belle occasion pour le jeune Puypercé de se moquer d’elle. Il ne le fit