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saya de lui parler, ce à quoi il ne fit nulle attention, et, quand il n’eut plus faim, il s’en alla faire le beau au soleil, lisser ses plumes, gratter son ventre, après quoi il s’endormit sur une patte sans songer à rien.

Alors Marguerite, cherchant la cause de ses rêveries, se rappela qu’elle avait pris grand plaisir dans son enfance à entendre les contes que sa grand’mère lui disait pour l’endormir, et que dans un de ces contes il y avait une grenouille fée qui faisait des choses merveilleuses. Elle tâcha de s’en souvenir et ne put en venir à bout. — C’est cette histoire, se dit-elle, qui m’aura trotté dans la tête. Pour n’y plus songer, je vais demander à ma bonne mère de me la raconter, afin que je puisse en rire avec elle.

Elle alla trouver madame Yolande au salon, mais elle oublia les grenouilles et les fées en voyant près d’elle un personnage dont l’air et le costume lui causèrent de l’éblouissement. C’était un grand jeune homme blanc, rose, frisé, poudré à la mode de ce temps-là, en bel uniforme d’officier bleu de ciel tout galonné d’argent. Il se leva, et, marchant avec beaucoup de grâce, comme s’il eût voulu danser le menuet, il vint à sa rencontre, lui baisa la main, et lui dit d’une petite voix flûtée : — C’est donc vous, ma chère cousine Marguerite ? Je suis heureux de refaire connaissance avec vous. Vous êtes grandie, mais votre figure n’a point du tout changé.

Marguerite rougit, car elle prit cela pour un compliment et ne sut que répondre ; elle ne reconnaissait pas du tout celui qui l’appelait ma cousine.

— Chère enfant, lui dit madame Yolande, tu ne te