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jolie, et voir sa figure retracée par une main habile était pour elle une ivresse ; mais elle était pauvre, et Diane comprit son hésitation. C’est un service que je vous demande, lui dit-elle. Reproduire un visage parfait est pour moi une satisfaction que je ne rencontre pas tous les jours, et comme cela est difficile, cela me pousse à faire des progrès.

Au fond, Diane ne tenait qu’à payer une ancienne dette de cœur au souvenir de Pictordu. Blanche ne pouvait comprendre cette délicatesse mystérieuse ; elle en fit honneur à ses charmes. Elle se laissa un peu prier et allégua divers empêchements, bien qu’elle eût très-peur d’être prise au mot. Elle avait peu de jours à passer à Arles, sa position ne lui permettait pas de séjourner dans une ville de luxe ; son mari, occupé d’agriculture et de chasse, la pressait de retourner à la campagne où leur vie était fixée.

— Je ne ferai de vous, répondit Diane, qu’un léger croquis à trois crayons : blanc, noir et sanguine. Si je réussis, cela pourra être très-joli, et je ne vous demande qu’une matinée.

Blanche accepta pour le lendemain, et, le lendemain, elle arriva avec une jolie robe bleu de ciel et la broche de turquoises passée dans le ruban de cou.

Diane fut inspirée, elle fit un de ses meilleurs portraits, et la vicomtesse se trouva si jolie qu’elle en eut des larmes de reconnaissance au bord des longs cils noirs qui bordaient ses yeux bleus. Elle embrassa Diane et la supplia de venir la voir dans son château.