Page:Sand - Contes d’une grand’mère, 1906.djvu/79

Cette page n’a pas encore été corrigée

saxifrage sarmenteuse pendant sur le bord d’une source, et j’avais toujours soif, toujours soif. Je me penchais sur l’eau sans pouvoir l’atteindre, un vent frais me secouait sans cesse. Le désir est une puissance dont on ne connaît pas la limite. Un matin, je me détachai de ma tige, je flottai soutenue par la brise. J’avais des ailes, j’étais libre et vivant. Les papillons ne sont que des fleurs envolées un jour de fête où la nature était en veine d’invention et de fécondité.

— Très joli, lui dis-je, mais c’est de la poésie !

— Ne l’empêchez pas d’en faire, s’écrièrent les jeunes gens ; il nous amuse !

Et, s’adressant à lui :

— Pouvez-vous nous dire à quoi vous songiez quand vous étiez une pierre ?

— Une pierre est une chose et ne pense pas, répondit-il ; je ne me rappelle pas mon existence minérale ; pourtant, je l’ai subie comme vous tous et il ne faudrait pas croire que la vie inorganique soit tout à fait inerte. Je ne m’étends jamais sur une roche sans ressentir à son contact quelque chose de particulier qui m’affirme les antiques