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et honteuse, et comme le père Vincent a raison de dire que le travail est ce qui garde et purifie le plaisir de vivre !

Une heure avant le jour, Emmi, qui s’était commandé à lui-même de ne pas dormir trop serré, s’éveilla et regarda autour de lui. La lune s’était levée tard et n’était pas couchée. Les oiseaux ne disaient rien encore. La chouette faisait sa ronde et n’était pas rentrée. Le silence est une belle chose, il est rare dans une forêt, où il y a toujours quelque être qui grimpe ou quelque chose qui tombe. Emmi but ce beau silence comme un rafraîchissement en se rappelant le vacarme étourdissant de la foire, le tam-tam et la grosse caisse des saltimbanques, les disputes des acheteurs et des vendeurs, le grincement des vielles et le mugissement des cornemuses, les cris des animaux ennuyés ou effrayés, les rauques chansons des buveurs, tout ce qui l’avait tour à tour étonné, amusé, épouvanté. Quelle différence avec les voix mystérieuses, discrètes ou imposantes de la forêt ! Une faible brise s’éleva avec l’aube et fit frissonner mélodieusement la