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» Nous vivions seuls, ma mère et moi, ne nous mêlant pas aux troupes nombreuses des éléphants vulgaires, plus petits et d’un pelage différent du nôtre. Etions-nous d’une race différente ? Je ne l’ai jamais su. L’éléphant blanc est si rare, qu’on le regarde comme une anomalie, et les Indiens le considèrent comme une incarnation divine. Quand un de ceux qui vivent dans les temples d’une nation hindoue cesse de vivre, on lui rend les mêmes honneurs funéraires qu’aux rois, et souvent de longues années s’écoulent avant qu’on lui trouve un successeur.

» Notre haute taille effrayait-elle les autres éléphants ? Nous étions de ceux qu’on appelle solitaires et qui ne font partie d’aucun troupeau sous les ordres d’un guide de leur espèce. On ne nous disputait aucune place, et nous nous transportions d’une région à l’autre, changeant de climat sur cette arête de montagnes, selon notre caprice et les besoins de notre nourriture. Nous préférions la sérénité des sommets ombragés aux sombres embûches de la jungle peuplée de serpents monstrueux, hérissée de cactus et d’autres plantes