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consuelo.

CII.

À la fin du dessert, une ombre toute drapée de blanc et voilée vint chercher les convives en leur disant : Suivez-moi ! Consuelo, condamnée encore au rôle de margrave pour la répétition de cette nouvelle scène, se leva la première, et, suivie des autres convives, monta le grand escalier du château, dont la porte s’ouvrait au fond de la salle. L’ombre qui les conduisait poussa, au haut de cet escalier, une autre grande porte, et l’on se trouva dans l’obscurité d’une profonde galerie antique, au bout de laquelle on apercevait simplement une faible lueur. Il fallut se diriger de ce côté au son d’une musique lente, solennelle et mystérieuse, qui était censée exécutée par les habitants du monde invisible.

« Tudieu ! dit ironiquement le Porpora d’un ton d’enthousiasme, monsieur le comte ne nous refuse rien ! Nous avons entendu aujourd’hui de la musique turque, de la musique nautique, de la musique sauvage, de la musique chinoise, de la musique lilliputienne et toutes sortes de musiques extraordinaires ; mais en voici une qui les surpasse toutes, et l’on peut bien dire que c’est véritablement de la musique de l’autre monde.

— Et vous n’êtes pas au bout ! répondit le comte enchanté de cet éloge.

— Il faut s’attendre à tout de la part de Votre Excellence, dit le baron de Kreutz avec la même ironie que le professeur ; quoique après ceci, je ne sache, en vérité, ce que nous pouvons espérer de plus fort. »

Au bout de la galerie, l’ombre frappa sur une espèce de tamtam qui rendit un son lugubre, et un vaste rideau s’écartant, laissa voir la salle de spectacle décorée et illuminée comme elle devait l’être le lendemain. Je n’en