Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 3.djvu/345

Cette page a été validée par deux contributeurs.
335
consuelo.

est votre élève, je vois que c’est à l’illustre maître Porpora que j’ai l’honneur de parler.

— Pour vous servir », répliqua le Porpora d’un ton bref, en renfonçant sur sa tête son chapeau qu’il venait de soulever, en réponse au profond salut du baron de Kreutz.

Celui-ci, le voyant si peu communicatif, le laissa avancer et se tint en arrière avec son lieutenant. Le Porpora, qui avait des yeux jusque derrière la tête, vit qu’ils riaient ensemble en le regardant et en parlant de lui dans leur langue. Il en fut d’autant plus mal disposé pour eux, et ne leur adressa pas même un regard durant toute la promenade.

CI.

On descendit une petite pente assez rapide au bas de laquelle on trouva une rivière en miniature, qui avait été un joli torrent limpide et agité ; mais comme il fallait le rendre navigable, on avait égalisé son lit, adouci sa pente, taillé proprement ses rives et troublé ses belles ondes par de récents travaux. Les ouvriers étaient encore occupés à le débarrasser de quelques roches que l’hiver y avait précipitées, et qui lui donnaient un reste de physionomie : on s’empressait de la faire disparaître. Une gondole attendait là les promeneurs, une vraie gondole que le comte avait fait venir de Venise, et qui fit battre le cœur de Consuelo en lui rappelant mille souvenirs gracieux et amers. On s’embarqua ; les gondoliers étaient aussi de vrais Vénitiens parlant leur dialecte ; on les avait fait venir avec la barque, comme de nos jours les nègres avec la girafe. Le comte Hoditz, qui avait beaucoup voyagé, s’imaginait parler toutes les langues : mais, quoiqu’il y mît beaucoup d’aplomb, et que, d’une voix