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consuelo.

d’un air insinuant, sont trop généreuses, trop grandes, pour ne pas garder à Joseph son petit secret tant qu’il sera nécessaire, et pour ne pas feindre un peu avec le Porpora afin de lui conserver sa confiance. — Oh ! s’écriait-on alors, ce ne sera certainement pas moi qui trahirai le bon, l’habile musicien Joseph ! vous pouvez lui en donner ma parole, et défense sera faite à mes gens de laisser échapper un mot imprudent aux oreilles du maestro. » Alors on me renvoyait avec un petit présent ou une commande de graisse d’ours, et, quant à monsieur le secrétaire d’ambassade, il s’est vivement intéressé à l’aventure et m’a promis d’en régaler monseigneur Corner à son déjeuner, afin que lui, qui aime Joseph particulièrement, se tienne tout le premier sur ses gardes vis-à-vis du Porpora. Voilà ma mission diplomatique remplie. Êtes-vous contente, signora ?

— Si j’étais reine, je vous nommerais ambassadeur sur-le-champ, répondit Consuelo. Mais j’aperçois dans la rue le maître qui revient. Sauvez-vous, cher Keller, qu’il ne vous voie pas !

— Et pourquoi me sauverais-je, signora ! Je vais me mettre à vous coiffer, et vous serez censée avoir envoyé chercher le premier perruquier venu par votre valet Joseph.

— Il a plus d’esprit cent fois que nous, dit Consuelo à Joseph ; » et elle abandonna sa noire chevelure aux mains légères de Keller, tandis que Joseph reprenait son plumeau et son tablier, et que le Porpora montait pesamment l’escalier en fredonnant une phrase de son futur opéra.

LXXXVI.

Comme il était naturellement fort distrait, le Porpora, en embrassant au front sa fille adoptive, ne remarqua