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consuelo.

souvent la servante du Porpora. J’ai plus d’une fois fait ses commissions, battu son chocolat et repassé ses rabats. Tiens, pour commencer, je vais t’enseigner à brosser cet habit, car tu n’y entends rien ; tu casses les boutons et tu fanes les revers. »

Elle lui prit la brosse des mains, et lui donna l’exemple avec adresse et dextérité. Mais, entendant le Porpora qui approchait, elle lui repassa la brosse précipitamment, et prit un air grave pour lui dire en présence du maître :

« Eh bien, petit, dépêchez-vous donc ! »

LXXXIII.

Ce n’était point à l’ambassade de Venise, mais chez l’ambassadeur, c’est-à-dire dans la maison de sa maîtresse, que le Porpora conduisait Consuelo. La Wilhelmine était une belle créature, infatuée de musique, et dont tout le plaisir, dont toute la prétention était de rassembler chez elle, en petit comité, les artistes et les dilettanti qu’elle pouvait y attirer sans compromettre par trop d’apparat la dignité diplomatique de monsignor Corner. À l’apparition de Consuelo, il y eut un moment de surprise, de doute, puis un cri de joie et une effusion de cordialité dès qu’on se fut assuré que c’était bien la Zingarella, la merveille de l’année précédente à San-Samuel. Wilhelmine, qui l’avait vue tout enfant venir chez elle, derrière le Porpora, portant ses cahiers, et le suivant comme un petit chien, s’était beaucoup refroidie à son endroit, en lui voyant ensuite recueillir tant d’applaudissements et d’hommages dans les salons de la noblesse, et tant de couronnes sur la scène. Ce n’est pas que cette belle personne fût méchante, ni qu’elle daignât être jalouse d’une fille si longtemps réputée laide à faire