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consuelo.

terait derrière la tribune grillée de l’orgue, le comte assistant à l’office dans l’église. Seulement il lui recommanda de s’habiller décemment, parce qu’elle aurait à être présentée ensuite à ce seigneur ; et, bien qu’il fût pauvre aussi, le noble maître, il lui donna quelque argent à cet effet. Consuelo, tout interdite, tout agitée, occupée pour la première fois du soin de sa personne, prépara donc à la hâte sa toilette et sa voix ; elle essaya vite la dernière, et la trouvant si fraîche, si forte, si souple, elle répéta plus d’une fois à Anzoleto, qui l’écoutait avec émotion et ravissement : « Hélas ! pourquoi faut-il donc quelque chose de plus à une cantatrice que de savoir chanter ? »

X.

La veille du jour solennel, Anzoleto trouva la porte de Consuelo fermée au verrou, et, après qu’il eut attendu presque un quart d’heure sur l’escalier, il fut admis enfin à voir son amie revêtue de sa toilette de fête, dont elle avait voulu faire l’épreuve devant lui. Elle avait une jolie robe de toile de Perse à grandes fleurs, un fichu de dentelles, et de la poudre. Elle était si changée ainsi, qu’Anzoleto resta quelques instants incertain, ne sachant si elle avait gagné ou perdu à cette transformation. L’irrésolution que Consuelo lut dans ses yeux fut pour elle un coup de poignard.

« Ah ! tiens, s’écria-t-elle, je vois bien que je ne te plais pas ainsi. À qui donc semblerai-je supportable, si celui qui m’aime n’éprouve rien d’agréable en me regardant ?

— Attends donc un peu, répondit Anzoleto ; d’abord je suis frappé de ta belle taille dans ce long corsage, et de ton air distingué sous ces dentelles. Tu portes à mer-