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consuelo.

— Oui, pour toi.

— Et pour les autres ?

— Peu m’importe.

— Et si c’était une condition pour notre avenir ? »

Ici Anzoleto, voyant l’inquiétude qu’il causait à son amie, lui rapporta naïvement ce qui s’était passé entre le comte et lui ; et quand il en vint à répéter les expressions peu flatteuses dont Zustiniani s’était servi en parlant d’elle, la bonne Consuelo qui peu à peu s’était tranquillisée en croyant voir tout ce dont il s’agissait, partit d’un grand éclat de rire en achevant d’essuyer ses yeux humides.

« Eh bien ! lui dit Anzoleto tout surpris de cette absence totale de vanité, tu n’es pas plus émue, pas plus inquiète que cela ? Ah ! je vois, Consuelina, vous êtes une petite coquette ; vous savez que vous n’êtes pas laide.

— Écoute, lui répondit-elle en souriant, puisque tu prends de pareilles folies au sérieux, il faut que je te tranquillise un peu. Je n’ai jamais été coquette : n’étant pas belle, je ne veux pas être ridicule. Mais quant à être laide, je ne le suis plus.

— Vraiment on te l’a dit ? Qui t’a dit cela, Consuelo ?

— D’abord ma mère, qui ne s’est jamais tourmentée de ma laideur. Je lui ai entendu dire souvent que cela se passerait, qu’elle avait été encore plus laide dans son enfance ; et beaucoup de personnes qui l’avaient connue m’ont dit qu’à vingt ans elle avait été la plus belle fille de Burgos. Tu sais bien que quand par hasard quelqu’un la regardait dans les cafés où elle chantait, on disait : cette femme doit avoir été belle. Vois-tu, mon pauvre ami, la beauté est comme cela quand on est pauvre ; c’est un instant : on n’est pas belle encore, et puis bientôt on ne l’est plus. Je le serai peut-être, qui sait ? si je peux