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consuelo.

— As-tu l’esprit égaré ? reprit-elle. Je ne sais pas ce que tu veux dire.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! je le crois bien, s’écria Anzoleto. J’ai une grande tache noire dans le cerveau à travers laquelle je ne te vois pas.

— Miséricorde ! tu es malade, mon ami ?

— Non, chère fille, calme-toi, et tâchons de voir clair. Dis-moi, Consuelita, est-ce que tu me trouves beau ?

— Mais certainement, puisque je t’aime.

— Et si tu ne m’aimais pas, comment me trouverais-tu ?

— Est-ce que je sais ?

— Quand tu regardes d’autres hommes que moi, sais-tu s’ils sont beaux ou laids ?

— Oui ; mais je te trouve plus beau que les plus beaux.

— Est-ce parce que je le suis, ou parce que tu m’aimes ?

— Je crois bien que c’est l’un et l’autre. D’ailleurs tout le monde dit que tu es beau, et tu le sais bien. Mais qu’est-ce que cela te fait ?

— Je veux savoir si tu m’aimerais quand même je serais affreux.

— Je ne m’en apercevrais peut-être pas.

— Tu crois donc qu’on peut aimer une personne laide ?

— Pourquoi pas, puisque tu m’aimes ?

— Tu es donc laide, Consuelo ? Vraiment, dis-moi, réponds-moi, tu es donc laide ?

— On me l’a toujours dit. Est-ce que tu ne le vois pas ?

— Non, non, en vérité, je ne le vois pas !

— En ce cas, je me trouve assez belle, et je suis bien contente.

— Tiens, dans ce moment-ci, Consuelo, quand tu me regardes d’un air si bon, si naturel, si aimant, il me semble que tu es plus belle que la Corilla. Mais je voudrais savoir si c’est l’effet de mon illusion ou la vérité. Je