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refont (c’est en français vulgaire l’expression des matrones) ; et celle qui paraissait affreuse naguère reparaît, après ce court travail de transformation, sinon belle, du moins agréable. On a remarqué même qu’il n’était pas avantageux à l’avenir d’une fillette d’être jolie de trop bonne heure.

Consuelo ayant recueilli comme les autres le bénéfice de l’adolescence, on avait cessé de dire qu’elle était laide ; et le fait est qu’elle ne l’était plus. Seulement, comme elle n’était ni dauphine, ni infante, elle n’avait point eu de courtisans autour d’elle pour proclamer que la royale progéniture embellissait à vue d’œil ; et comme elle n’avait pas l’appui de tendres sollicitudes pour s’inquiéter de son avenir, personne ne prenait la peine de dire à Anzoleto : « Ta fiancée ne te fera point rougir devant le monde. »

Si bien qu’Anzoleto l’avait entendu traiter de laideron à l’âge où ce reproche n’avait pour lui ni sens ni valeur ; et depuis qu’on ne disait plus ni mal ni bien de la figure de Consuelo, il avait oublié de s’en préoccuper. Sa vanité avait pris un autre essor. Il rêvait le théâtre et la célébrité, et n’avait pas le temps de songer à faire étalage de ses conquêtes. Et puis la grosse part de curiosité qui entre dans les désirs de la première jeunesse était assouvie chez lui. J’ai dit qu’à dix-huit ans il n’avait plus rien à apprendre. À vingt-deux ans, il était quasi blasé ; et à vingt-deux ans comme à dix-huit, son attachement pour Consuelo était aussi tranquille, en dépit de quelques chastes baisers pris sans trouble et rendus sans honte, qu’il l’avait été jusque-là.

Pour qu’on ne s’étonne pas trop de ce calme et de cette vertu de la part d’un jeune homme qui ne s’en piquait point ailleurs, il faut faire observer que la grande liberté dans laquelle nos adolescents vivaient au commencement