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consuelo.

donc que je l’ai déjà entendue, il y a longtemps… J’ai beau chercher à me rappeler…

— Dans l’église des Mendicanti, un jour de répétition générale, le Salve Regina de Pergolèse…

— Oh ! j’y suis, s’écria le comte ; une voix, un accent, une intelligence admirables !

— Et elle n’avait que quatorze ans, monseigneur, c’était un enfant.

— Oui, mais… je crois me rappeler qu’elle n’était pas jolie.

— Pas jolie, excellence ! dit Anzoleto tout interdit.

— Ne s’appelait-elle pas ?… Oui, c’était une espagnole, un nom bizarre…

— Consuelo, monseigneur !

— C’est cela, tu voulais l’épouser alors, et vos amours nous ont fait rire, le professeur et moi. Consuelo ! c’est bien elle ; la favorite du professeur, une fille bien intelligente, mais bien laide !

— Bien laide ! répéta Anzoleto stupéfait.

— Eh oui, mon enfant. Tu en es donc toujours épris ?

— C’est mon amie, illustrissime.

— Amie veut dire chez nous également sœur et amante. Laquelle des deux ?

— Sœur, mon maître.

— Eh bien, je puis, sans te faire de peine, te dire ce que j’en pense. Ton idée n’a pas le sens commun. Pour remplacer la Corilla il faut un ange de beauté, et ta Consuelo, je m’en souviens bien maintenant, est plus que laide, elle est affreuse. »

Le comte fut abordé en cet instant par un de ses amis, qui l’emmena d’un autre côté, et il laissa Anzoleto consterné se répéter en soupirant : — Elle est affreuse !…