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consuelo.

rien de mal. Que son âme repose dans le Seigneur ! »

Ici Consuelo fit un grand signe de croix. Anzoleto était déjà endormi.

« Je vais dire mon chapelet là-haut sur la terrasse pour que tu n’aies pas la fièvre », ajouta Consuelo en s’éloignant.

« Bonne comme Dieu ! » répéta faiblement Anzoleto, et il ne s’aperçut seulement pas que sa fiancée le laissait seul. Elle alla en effet dire son chapelet sur le toit. Puis elle revint pour s’assurer qu’il n’était pas plus malade, et le voyant dormir paisiblement, elle contempla longtemps avec recueillement son beau visage pâle éclairé par la lune.

Et puis, ne voulant pas céder au sommeil elle-même, et se rappelant que les émotions de la soirée lui avaient fait négliger son travail, elle ralluma sa lampe, s’assit devant sa petite table, et nota un essai de composition que maître Porpora lui avait demandé pour le jour suivant.

VI.

Le comte Zustiniani, malgré son détachement philosophique et de nouvelles amours dont la Corilla feignait assez maladroitement d’être jalouse, n’était pas cependant aussi insensible aux insolents caprices de cette folle maîtresse qu’il s’efforçait de le paraître. Bon, faible et frivole, Zustiniani n’était roué que par ton et par position sociale. Il ne pouvait s’empêcher de souffrir, au fond de son cœur, de l’ingratitude avec laquelle cette fille avait répondu à sa générosité ; et d’ailleurs, quoiqu’il fût à cette époque (à Venise aussi bien qu’à Paris) de la dernière inconvenance de montrer de la jalousie, l’orgueil italien se révoltait contre le rôle ridicule et misérable que la Corilla lui faisait jouer.