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consuelo.

pora, sur la tête adorée d’Anzoleto. Elle fit répéter à ce dernier les expressions dont le maître s’était servi ; et après qu’il les lui eut exactement rapportées, elle y pensa longtemps et demeura silencieuse.

« Consuelina, lui dit Anzoleto sans trop s’apercevoir de sa rêverie, je t’avoue que l’air est extrêmement frais. Ne crains-tu pas de t’enrhumer ? Songe, ma chérie, que notre avenir repose sur ta voix encore plus que sur la mienne…

— Je ne m’enrhume jamais, répondit-elle ; mais toi, tu es si peu vêtu avec tes beaux habits ! Tiens, enveloppe-toi de ma mantille.

— Que veux-tu que je fasse de ce pauvre morceau de taffetas percé à jour ? J’aimerais bien mieux me mettre à couvert une demi-heure dans ta chambre.

— Je le veux bien, dit Consuelo : mais alors il ne faudra pas parler ; car les voisins pourraient nous entendre, et ils nous blâmeraient. Ils ne sont pas méchants ; ils voient nos amours sans trop me tourmenter, parce qu’ils savent bien que jamais tu n’entres chez moi la nuit. Tu ferais mieux d’aller dormir chez toi.

— Impossible ! on ne m’ouvrira qu’au jour, et j’ai encore trois heures à grelotter. Tiens, mes dents claquent dans ma bouche.

— En ce cas, viens, dit Consuelo en se levant ; je t’enfermerai dans ma chambre, et je reviendrai sur la terrasse pour que, si quelqu’un nous observe, il voie bien que je ne fais pas de scandale. »

Elle le conduisit en effet dans sa chambre : c’était une assez grande pièce délabrée, où les fleurs peintes à fresque sur les murs reparaissaient çà et là sous une seconde peinture encore plus grossière et déjà presque aussi dégradée. Un grand bois de lit carré avec une paillasse d’algues marines, et une couverture d’indienne piquée fort propre,