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consuelo.

— Allons, puisque tu ne veux me répondre que par métaphores, reprit-elle, je vais t’emmener dans ma gondole, sauf à t’éloigner de ta demeure, au lieu de t’en rapprocher. Si je te joue ce mauvais tour, c’est ta faute.

— Était-ce là le motif de votre curiosité, signora ? En ce cas ma réponse est bien courte et bien claire : je demeure sur les marches de votre palais.

— Va donc m’attendre sur les marches de celui où nous sommes, dit la Corilla en baissant la voix ; car Zustiniani pourrait bien blâmer l’indulgence avec laquelle j’écoute tes fadaises. »

Dans le premier élan de sa vanité, Anzoleto s’esquiva, et courut voltiger de l’embarcadère du palais à la proue de la gondole de Corilla, comptant les secondes aux battements rapides de son cœur enivré. Mais avant qu’elle parût sur les marches du palais, bien des réflexions passèrent par la cervelle active et ambitieuse du débutant. La Corilla est toute-puissante, se dit-il, mais si, à force de lui plaire, j’allais déplaire au comte ? ou bien si j’allais par mon trop facile triomphe, lui faire perdre la puissance qu’elle tient de lui, en le dégoûtant tout à fait d’une maîtresse si volage ?

Dans ces perplexités, Anzoleto mesura de l’œil l’escalier qu’il pouvait remonter encore, et il songeait à effectuer son évasion, lorsque les flambeaux brillèrent sous le portique, et la belle Corilla, enveloppée de son mantelet d’hermine, parut sur les premiers degrés, au milieu d’un groupe de cavaliers jaloux de soutenir son coude arrondi dans le creux de leur main, et de l’aider ainsi à descendre, comme c’est la coutume à Venise.

« Eh bien, dit le gondolier de la prima-donna à Anzoleto éperdu, que faites-vous là ? Entrez dans la gondole bien vite, si vous en avez la permission ; ou bien suivez