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consuelo.

genre ; car, hier encore, j’ai vu la citerne claire et bien pleine, et je la vois en ce moment trouble comme si elle eût été vidée et remplie de nouveau.

— Ces phénomènes n’ont donc pas un cours régulier ?

— Nullement, et je les aurais examinés avec soin, si le comte Albert, qui défend l’entrée de ses appartements et de son parterre avec l’espèce de sauvagerie qu’il porte en toutes choses, ne m’eût interdit cet amusement. J’ai pensé, et je pense encore, que le fond de la citerne est encombré de mousses et de plantes pariétaires qui bouchent par moments l’accès à l’eau souterraine, et qui cèdent ensuite à l’effort du jaillissement.

— Mais comment expliquez-vous la disparition subite de l’eau en d’autres moments ?

— À la grande quantité que le comte en consomme pour arroser ses fleurs.

— Il faudrait bien des bras, ce me semble, pour vider cette fontaine. Elle n’est donc pas profonde ?

— Pas profonde ? Il est impossible d’en trouver le fond !

— En ce cas, votre explication n’est pas satisfaisante, dit Consuelo, frappée de la stupidité du chapelain.

— Cherchez-en une meilleure, reprit-il un peu confus et un peu piqué de son manque de sagacité.

— Certainement, j’en trouverai une meilleure, pensa Consuelo vivement préoccupée des caprices de la fontaine.

— Oh ! si vous demandiez au comte Albert ce que cela signifie, reprit le chapelain qui aurait bien voulu faire un peu l’esprit fort pour reprendre sa supériorité aux yeux de la clairvoyante étrangère, il vous dirait que ce sont les larmes de sa mère qui se tarissent et se renouvellent dans le sein de la montagne. Le fameux Zdenko, auquel vous supposez tant de pénétration, vous jurerait qu’il y a là dedans une sirène qui chante fort