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consuelo.

comte entreprit ses voyages, Zdenko, son compagnon inséparable, reste donc tranquille ? il ne montre point d’inquiétude ?

— Aucune. Il dit qu’Albert est allé voir le grand Dieu et qu’il reviendra bientôt. C’est ce qu’il disait lorsque Albert parcourait l’Europe, et que Zdenzo en avait pris son parti.

— Et vous ne soupçonnez pas, chère Amélie, que Zdenko puisse être mieux fondé que vous tous à goûter cette sécurité ? Vous ne vous êtes jamais avisés de penser qu’il était dans le secret d’Albert, et qu’il veillait sur lui dans son délire ou dans sa léthargie ?

— Nous y avons bien songé, et on a observé longtemps ses démarches ; mais, comme son patron Albert, il déteste la surveillance ; et, plus fin qu’un renard dépisté par les chiens, il a trompé tous les efforts, déjoué toutes les ruses, et dérouté toutes les observations. Il semble aussi qu’il ait, comme Albert, le don de se rendre invisible quand il lui plaît. Il a quelquefois disparu instantanément aux regards fixés sur lui, comme s’il eût fendu la terre pour s’y engloutir, ou comme si un nuage l’eût enveloppé de ses voiles impénétrables. Voilà du moins ce qu’affirment nos gens et ma tante Wenceslawa elle-même, qui n’a pas, malgré toute sa piété, la tête beaucoup plus forte à l’endroit du pouvoir satanique.

— Mais vous, chère baronne, vous ne pouvez pas croire à ces absurdités ?

— Moi, je me range à l’avis de mon oncle Christian. Il pense que si Albert n’a, dans ses détresses mystérieuses, que le secours et l’appui de cet insensé, il est fort dangereux de les lui ôter, et qu’on risque, en observant et en contrariant les démarches de Zdenko, de priver Albert, durant des heures et des jours entiers, des soins et même des aliments qu’il peut recevoir de lui.