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consuelo.

chaste et inoffensif, on peut dire qu’il est idiot plus que fou. Nos paysans l’appellent l’innocent, et rien de plus.

— Tout ce que vous m’apprenez de ce pauvre homme me le rend sympathique, dit Consuelo ; je voudrais bien lui parler. Il sait un peu l’allemand ?

— Il le comprend, et il peut le parler tant bien que mal. Mais, comme tous les paysans bohêmes, il a horreur de cette langue ; et plongé d’ailleurs dans ses rêveries comme le voilà, il est fort douteux qu’il vous réponde si vous l’interrogez.

— Essayez donc de lui parler dans sa langue, et d’attirer son attention sur nous, dit Consuelo. »

Amélie appela Zdenko à plusieurs reprises, lui demandant en bohémien s’il se portait bien, et s’il désirait quelque chose ; mais elle ne put jamais lui faire relever sa tête penchée vers la terre, ni interrompre un petit jeu qu’il faisait avec trois cailloux, un blanc, un rouge, et un noir, qu’il poussait l’un contre l’autre en riant, et en se réjouissant beaucoup chaque fois qu’il les faisait tomber.

« Vous voyez que c’est inutile, dit Amélie. Quand il n’a pas faim, ou qu’il ne cherche pas Albert, il ne nous parle jamais. Dans l’un ou l’autre cas, il vient à la porte du château, et s’il n’a que faim, il reste sur la porte. On lui donne ce qu’il désire, il remercie, et s’en va. S’il veut voir Albert, il entre, et va frapper à la porte de sa chambre, qui n’est jamais fermée pour lui, et où il reste des heures entières, silencieux et tranquille comme un enfant craintif si Albert travaille, expansif et enjoué si Albert est disposé à l’écouter, jamais importun, à ce qu’il semble, à mon aimable cousin, et plus heureux en ceci qu’aucun membre de sa famille.

— Et lorsque le comte Albert devient invisible comme dans ce moment-ci, par exemple, Zdenko, qui l’aimait si ardemment, Zdenko qui perdit sa gaîté lorsque le