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consuelo.

Zdenko ? demanda-t-elle avec un air de satisfaction qu’elle ne songea point à dissimuler.

— C’est son plus intime, son plus précieux ami, répondit Amélie avec un sourire de dédain. C’est le compagnon de ses promenades, le confident de ses secrets, le messager, dit-on, de sa correspondance avec le diable. Zdenko et Albert sont les seuls qui osent aller à toute heure s’entretenir des choses divines les plus biscornues sur la pierre d’épouvante. Albert et Zdenko sont les seuls qui ne rougissent point de s’asseoir sur l’herbe avec les zingari qui font halte sous nos sapins, et de partager avec eux la cuisine dégoûtante que préparent ces gens-là dans leurs écuelles de bois. Ils appellent cela communier, et on peut dire que c’est communier sous toutes les espèces possibles. Ah ! quel époux ! quel amant désirable que mon cousin Albert, lorsqu’il saisira la main de sa fiancée dans une main qui vient de presser celle d’un zingaro pestiféré, pour la porter à cette bouche qui vient de boire le vin du calice dans la même coupe que Zdenko !

— Tout ceci peut être fort plaisant, dit Consuelo ; mais, quant à moi, je n’y comprends rien du tout.

— C’est que vous n’avez pas de goût pour l’histoire, reprit Amélie, et que vous n’avez pas bien écouté tout ce que je vous ai raconté des hussites et des protestants, depuis plusieurs jours que je m’égosille à vous expliquer scientifiquement les énigmes et les pratiques saugrenues de mon cousin. Ne vous ai-je pas dit que la grande querelle des hussites avec l’église romaine était venue à propos de la communion sous les deux espèces ? Le concile de Bâle avait prononcé que c’était une profanation de donner aux laïques le sang du Christ sous l’espèce du vin, alléguant, voyez le beau raisonnement ! que son corps et son sang étaient également contenus