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consuelo.

m’a semblé qu’il vous disait à plusieurs reprises un mot particulier, que dans mon trouble je n’ai pu retenir.

— Je ne l’ai pas compris moi-même, répondit Consuelo en faisant un grand effort sur elle-même pour mentir.

— Ma chère Nina, lui dit Amélie à l’oreille, vous êtes fine et prudente ; quant à moi, qui ne suis pas tout à fait bornée, je crois très-bien comprendre que vous êtes la consolation mystique promise par la vision à la trentième année d’Albert. N’essayez pas de me cacher que vous l’avez compris encore mieux que moi : c’est une mission céleste dont je ne suis pas jalouse.

— Écoutez, chère Porporina, dit la chanoinesse après avoir rêvé quelques instants : nous avons toujours pensé qu’Albert, lorsqu’il disparaissait pour nous d’une façon qu’on pourrait appeler magique, était caché non loin de nous, dans la maison peut-être, grâce à quelque retraite dont lui seul aurait le secret. Je ne sais pourquoi il me semble que si vous vous mettiez à chanter en ce moment, il l’entendrait et viendrait à nous.

— Si je le croyais !… dit Consuelo prête à obéir.

— Mais si Albert est près de nous et que l’effet de la musique augmente son délire ! remarqua la jalouse Amélie.

— Eh bien, dit le comte Christian, c’est une épreuve qu’il faut tenter. J’ai ouï dire que l’incomparable Farinelli avait le pouvoir de dissiper par ses chants la noire mélancolie du roi d’Espagne, comme le jeune David avait celui d’apaiser les fureurs de Saül, au son de sa harpe. Essayez, généreuse Porporina ; une âme aussi pure que la vôtre doit exercer une salutaire influence autour d’elle. »

Consuelo, attendrie, se mit au clavecin, et chanta un cantique espagnol en l’honneur de Notre-Dame-de-Consolation, que sa mère lui avait appris dans son enfance, et qui commençait par ces mots : Consuelo de mi alma, « Consolation de mon âme », etc. Elle chanta d’une voix