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consuelo.

— Je ne me moque pas, bonne tante. Albert est tout à fait bien ce matin, et je me réjouis de le voir comme je ne l’ai pas encore vu peut-être depuis que je suis ici. S’il était rasé et poudré comme tout le monde, on pourrait croire aujourd’hui qu’il n’a jamais été malade.

— Cet air de calme et de santé me frappe en effet bien agréablement, dit la chanoinesse ; mais je n’ose plus me flatter de voir durer un si heureux état de choses.

— Comme il a l’air noble et bon ! dit Consuelo, voulant gagner le cœur de la chanoinesse par l’endroit le plus sensible.

— Vous trouvez ? dit Amélie, la transperçant de son regard espiègle et moqueur.

— Oui, je le trouve, répondit Consuelo avec fermeté, et je vous l’ai dit hier soir, signora ; jamais visage humain ne m’a inspiré plus de respect.

— Ah ! chère fille, dit la chanoinesse en quittant tout à coup son air guindé pour serrer avec émotion la main de Consuelo ; les bons cœurs se devinent ! Je craignais que mon pauvre enfant ne vous fît peur ; c’est une si grande peine pour moi que de lire sur le visage des autres l’éloignement qu’inspirent toujours de pareilles souffrances ! Mais vous avez de la sensibilité, je le vois, et vous avez compris tout de suite qu’il y a dans ce corps malade et flétri une âme sublime, bien digne d’un meilleur sort.

Consuelo fut touchée jusqu’aux larmes des paroles de l’excellente chanoinesse, et elle lui baisa la main avec effusion. Elle sentait déjà plus de confiance et de sympathie dans son cœur pour cette vieille bossue que pour la brillante et frivole Amélie.

Elles furent interrompues par le baron Frédérick, lequel, comptant sur son courage plus que sur ses moyens, s’approchait avec l’intention de demander une