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consuelo.

« Ah ! je comprends, dit-elle en riant, ceci est votre écrin.

— Je n’en ai pas d’autre, répondit Consuelo, et j’espère que vous voudrez bien vous en servir souvent.

— À la bonne heure, je vois que vous êtes une maîtresse sévère. Mais peut-on vous demander sans vous offenser, ma chère Nina, où vous avez mis vos robes ?

— Là-bas dans ce petit carton, répondit Consuelo en allant le chercher, et en montrant à la baronne une petite robe de soie noire qui y était soigneusement et fraîchement pliée.

— Est-ce là tout ? dit Amélie.

— C’est là tout, dit Consuelo, avec ma robe de voyage. Dans quelques jours d’ici, je me ferai une seconde robe noire, toute pareille à l’autre, pour changer.

— Ah ! ma chère enfant, vous êtes donc en deuil ?

— Peut-être, signora, répondit gravement Consuelo.

— En ce cas, pardonnez-moi. J’aurais dû comprendre à vos manières que vous aviez quelque chagrin dans le cœur, et je vous aime autant ainsi. Nous sympathiserons encore plus vite ; car moi aussi j’ai bien des sujets de tristesse, et je pourrais déjà porter le deuil de l’époux qu’on m’avait destiné. Ah ! ma chère Nina, ne vous effarouchez pas de ma gaieté ; c’est souvent un effort pour cacher des peines profondes. »

Elles s’embrassèrent, et descendirent au salon où on les attendait.

Consuelo vit, dès le premier coup d’œil, que sa modeste robe noire, et son fichu blanc fermé jusqu’au menton par une épingle de jais, donnaient d’elle à la chanoinesse une opinion très-favorable. Le vieux Christian fut un peu moins embarrassé et tout aussi affable envers elle que la veille. Le baron Frédérick, qui, par courtoisie, s’était abstenu d’aller à la chasse ce jour-là,